[80 ANS DEBARQUEMENT DE PROVENCE] J-3 : « Le blanchiment des troupes coloniales » (5 sur 6)
« On ne nous a pas prévenus que nous allions remplacer les tirailleurs. On nous a placés chacun en face d’un tirailleur et ces derniers ont commencé à se déshabiller. Ils nous ont donné leur pantalon de treillis, leur manteau… Ils se sont retrouvés en caleçon de corps… »
Témoignage de Gilbert Beurier, vétéran de la 9e D.I.C (Division d’Infanterie Coloniale), dans le livre « la Fin de la “Force noire” »
Pour les tirailleurs africains, le rêve de tout un peuple se dressant pour prendre les armes et chasser l’occupant va s’arrêter juste avant les jours de célébration et de reconnaissance nationale.
Compliqué pour la suite, pour commandants français, d’admettre la présence, parmi les résistants, de militaires coloniaux.
Il est important de mettre un accent sur le fait que tous ces évènements se passent pendant la colonisation. Les tirailleurs venaient de contrées sous domination et autorité complète de colons. Ces colons avaient pleins pouvoir pour y exploiter les richesses naturelles et humaines ; ce qu’ils ont fait.
Des documents démontrant que les commandants britanniques et américains ont demandé que la libération de Paris le 25 août 1944 soit une victoire « réservée aux Blancs » ont été découverts par la BBC. Bien sûr ils ont diffusé le contenu
En réponse à la demande de Charles de Gaulle (chef des forces françaises libres) que les Français dirigent la libération de Paris, le haut commandement allié accepta, à une seule condition : « la division de De Gaulle ne devait pas contenir de soldats noirs »
La 2e division blindée du général Leclerc, qui avait seulement un quart de personnel métropolitains, était la seule division française, opérationnel qui pourrait être composée entièrement de blancs.
Aucune unité de l’armée ne pouvait alors afficher plus de 40 % d’effectif blanc
À l’époque, l’Amérique a ségrégué ses propres troupes selon des critères raciaux et n’a pas permis aux GI noirs (soldats de l’armée américaine) de combattre aux côtés de leurs camarades blancs jusqu’aux derniers stades de la guerre.
Rapidement, les généraux français vont se rendre compte que les métropolitains seuls ne pourraient pas combler l’absence des soldats d’Afrique de l’Ouest, même en intégrant les combattants de la Résistance. Les Maghrébins et Syriens sont donc gardés, alors que les autres Africains noirs seront renvoyés chez eux avant la fin de la guerre
- 3 mois pour « blanchir » entièrement l’armée française
« En position sur la ligne de front, les Africains laissent à des combattants inexpérimentés leur équipement et leur armement, gage de confort et source de fierté, en général sans cérémonie »
Dès le débarquement de Toulon, le blanchiment avait commencé, et s’était poursuivi pendant la longue montée à pied des unités. Les tirailleurs seront remplacés par des « engagés volontaires, y compris ceux provenant des FFI (Forces françaises de l’intérieur)
- A la 1re DFL (Division Française Libre) :
- En septembre, deux bureaux de recrutement sont créés dans la région de Lyon et de Chalon-sur-Saône pour remplacer les tirailleurs sénégalais
- Le 9 octobre 1944, 3 802 métropolitains ont été engagés de manière individuelle avec 250 engagements supplémentaires par semaine.
Plus de 4 000 tirailleurs sénégalais peuvent donc être retirés du front très rapidement
- Début novembre, il reste encore 129 sous-officiers et 1 511 hommes de troupes noirs à la 1re DFL.
- Pour la 9e DIC, Le blanchiment sera plus rapide
- 4 octobre, début des opérations 13e RTS ; le 8 octobre 6 016 tirailleurs noirs sont considérés comme étant à relever ; fin octobre l’essentiel des opérations est terminé
- Au 4e RTS, les opérations entamées au début du mois d’octobre, sont terminées le 28 octobre 1944, date du rapatriement vers le Sud de la France du dernier détachement de tirailleurs
« Relever brutalement neuf mille hommes d’une Division est en tout temps une opération compliquée. Elle exige des délais très longs, des formalités difficiles, et a pour le moins pour effet de paralyser la vie de la Grande Unité pendant plusieurs semaines.…..
Certains Officiers, qui ont groupé un « maquis » autour d’eux, s’offrent à rejoindre avec lui les rangs de la Division ; …. Par contre, les individuels se présentent nombreux, de la région de Grenoble et de Lyon. … Au total, deux mille engagés viennent à la 9e D.I.C. pendant les trois premières semaines de septembre et permettent de renvoyer un nombre égal de Sénégalais dans le midi…
Le mois d’octobre est marqué par une intense activité de recrutement
… le C.I.D. sera, pendant toute cette période, l’éternel errant manquant de matériel, de moyens de transport et surtout, chose plus grave, d’habillement. Quel dévouement de la part de ses cadres ! Finalement, il faut en arriver à déshabiller en partie nos Sénégalais pour pouvoir doter nos Français de l’essentiel.…
Certes, on ne réalise pas ainsi une troupe de dandies. Les capotes, les souliers, les pantalons de nos tirailleurs ne sont évidemment pas à la taille de jeunes engagés amaigris par les privations endurées pendant l’occupation. Car ces petits gars qui viennent à nous n’ont pas un physique brillant. Ils sont très jeunes dans l’ensemble 17, 18, 19 ans…
Dans d’autres bataillons, la relève se fait en ligne, car la Division doit tenir plus de vingt kilomètres d’un front que l’ennemi tâte continuellement. Et l’on voit alors de jeunes « pékins » venir remplacer, dans leurs trous individuels, nos tirailleurs transis qui leur passent capotes, casques, armes…, et consignes.
Et toujours, le chiffre des recrues augmente, et aussi les difficultés pour les habiller. Les effets promis n’arrivent pas, ou en quantités insuffisantes. …
Enfin octobre passe, Le blanchiment est presque achevé. …
Le 1er novembre 1944, les 4e, 6e, 13e Régiments de Tirailleurs Sénégalais deviennent les 21e, 6e et 23e Régiments d’Infanterie Coloniale.
Le 10 novembre, les trois cent cinquante derniers engagés nécessaires pour combler les vides rejoignent leurs unités »
Extraits de La Revue des Troupes coloniales n° 281 octobre 1946 –
Le Blanchiment de la 9ème D. I. C.
Pour autant, après le « blanchiment » de l’automne, des Tirailleurs Africains resteront encore quelques semaines dans les troupes, en particulier dans les unités de service.
Manquant de personnel européen formé, 250 Tirailleurs africains seront encore présents dans le 431e bataillon médical à la fin du mois de novembre 1944
Après ce blanchiment, les tirailleurs seront expulsés du champ d’honneur, regroupés dans des camps pendant des mois avant de retourner pitoyablement leur pays d’origine.
Pour eux se sera le début de la déroute.
Leur sacrifice, leur grande contribution minimisée ou effacée de cette autre histoire commune qui lie la France et l’Afrique S’en suivra la grande tragédie de Thiaroye, le 1er décembre 1944, où « 35 tirailleurs trouvèrent la mort, plus de 70 si l’on ajoute les victimes décédées de leurs blessures immédiatement après les faits » François Hollande, Président de la république en 2014
Témoignage du lieutenant Doumbia, tirailleur sénégalais de la seconde guerre | Vidéo INA
Rencontre au Mali avec le lieutenant Tiecoura Doumbia, ancien tirailleur sénégalais, qui évoque ses souvenirs de la deuxième guerre mondiale. Il décrit le Monument aux héros de l’Armée noire, statue érigée à Bamako en l’honneur de ces combattants africains.
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i21154709/temoignage-du-lieutenant-doumbia-tirailleur-senegalais-de-la-seconde-guerre
Témoignages d’anciens combattants sénégalais demandant la reconnaissance de leur statut par la France | Vidéo INA
Témoignages d’anciens combattants sénégalais demandant la reconnaissance de leur statut par la France. C’est en novembre 2001 que le Conseil d’Etat français demandait au gouvernement de leur reconnaître les mêmes droits qu’aux combattants français…
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i20168861/temoignages-d-anciens-combattants-senegalais-demandant-la-reconnaissance-de