Vente à Lyon de correspondances d’armateurs négriers – L’UNION A FAIT LA FORCE (photos)

Vente à Lyon de correspondances d’armateurs négriers – L’UNION A FAIT LA FORCE (photos)

Le Mercredi 12 Janvier 2005 est une date que les Noirs doivent retenir comme un début dans leur marche vers l’unification de leur lutte pour la reconnaissance de la mémoire de l’esclavage.

Vente à Lyon de correspondances d’armateurs négriers
par Gérard Théobald
Comme elle fut annoncée par le quotidien du soir, la vente aux enchères concernant des documents liés à la traite et l¹esclavage s¹est déroulée à Lyon sans incidents, s¹inscrivant tant le dans le respect des personnes que dans le respect du Droit, sous le regard bienveillant de deux policiers. A cet égard et malgré l¹indignation ambiante, les personnes ont fait preuve de civisme et de citoyenneté .

Le mercredi 12 Janvier 2005, des organisations antillaises réunionnaises et africaines se sont retrouvées comme un seul homme pour faire échec à la honteuse mise aux enchères de lettres et manuscrits sur le commerce des esclaves proposée à l’Hotel des ventes de la Presqu’île – 6, rue Marcel Rivières, Lyon 2e. C’est une première qui en appelle d’autres surtout que les associations afro caribéennes exigent des pouvoirs publics que plus jamais cela ne se reproduise. Cette préemption même si elle constitue une victoire il a fallu la vigilance des journalistes et en premier ceux du journal  » Le Monde  » pour que le grand public ne se saisisse de la cause alors  » plus jamais çà  » Désormais, les afro caribéens doivent se saisir de cette expérience et ne plus disperser leur force car tout seul on peut gagner mais ensemble on gagne sûrement. (Photos Tass)

Durant l¹exposition, le Commissaire-Priseur, Monsieur Chenu, se défend et minimise l¹affaire affirmant de  » ne pas être étonné des réactions des associations, des personnes, de la presse  » car celle-ci a usé de titres provocateurs.  » Cette vente ne faisant pas l Œapologie de la traite et l¹esclavage  » et, le thème de cette vente étant  » le commerce maritime au XVIII° siècle qui était consacré, pour partie, au commerce tripartite, on peut dire que le thème est un trafic avec l¹Afrique, Saint-Domingue et retour en France, mais aucune lettre ne développe la traite et l¹esclavage, ce sont des lettres sur des questions de frets et d¹armements de navires, et il n¹est pas questions des Noirs « .

Du même homme, c¹est la première fois depuis trente ans de carrière, qu¹il vivait une telle situation.

Indignation.
Dans son explication, Monsieur le Commissaire-Priseur oublie de mentionner que diverses personnalités politiques dont Madame Taubira et Monsieur Bertrand Delanoë, représenté à Lyon pour la circonstance par Madame George Pau-Langevin ont demandé, par écrit, aux ministères de la Culture, de l¹Education Nationale et des DOM-TOM d¹exercer leur droit de préemption. La députée de Guyane a également saisi les présidents des départements d¹Outre-Mer afin qu¹ils usent, en leur qualité de pouvoirs publics territoriaux, de leur droit de préemption.

Il oublie de mentionner que les intellectuels tel le romancier Claude Ribbe a sollicité une initiative salutaire par l¹acquisition de ces fonds, tant auprès de Madame Martine de Boisdéffe, vice-présidente des Archives de France que de Monsieur Jean-Noël Jeanneney, président de la Bibliothèque nationale de France.

Pour la circonstance, une femme qui a pris un jour de congé dans l¹urgence, laisse exploser tant son indignation et sa colère à la lecture de certains documents soutenue par la présence de diverses personnes concernées par cette mémoire de l¹esclavagisme. Aussi, une personne qui fût participante et partie civile au procès Barbie en qualité de fils de déporté laisse exploser son indignation dénonçant cette vente aux enchères qui pose l¹histoire du rapport entre le colonialisme et le racisme.

Plus discrètement, d¹une femme qui a qualité d¹historienne, sous la demande d¹une cousine, vient voir pour acheter des documents qui ont appartenu à sa famille et devant des journalistes, sans micros et sans caméras, elle affirme que certains documents sont liés directement à la traite et à l¹esclavage.

L¹Etat doit confisquer !
Stupéfaits, par des lettres, des mots ou des titres pour exemple, ce lot n°334, de Bordeaux, dont l¹intitulé est  » Dominique Cabarrus, roulier et armateur, il organise également des expéditions négrières « . La date de 1759-1771 ainsi que le résumé sont dignes d¹ intérêt : réception de toile principalement pour Bayonne (son père, Barthélemy Cabarrus y est capitaine de navire et négociant) et l¹Espagne par terre et par voie maritime ; avaries, comptes de frais, négociation de marchandises sur Bordeaux. Expédition d¹un navire Expédition d¹un navire pour Saint-Domingue et la Martinique (son frère, Léon, est installé dans la colonie), malgré la saturation du marché ; mais son capitaine disparaît sans donner de nouvelles. Achat de Saint-Emilion pour le Nicolais, ouragan sur Bordeaux  » tous nos navires sont démâtésŠ « , affaires difficiles avec l¹Amérique, etc.

Encore, à la lecture du lot 347,  » commerce colonial, traite, banque « , à voir le lot n°281, un manuscrit de Saint-Domingue : requête d¹indemnité pour un ancien colon de Saint-Domingue qui exploitait une habitation appelée le Joli Trou,  » rapportant annuellement environ trente milliers de café et trente-deux nègres « .

Le poids des mots répète régulièrement un magazine célèbre, le chocŠ des mots : nègres, négrier, expéditions, colonie, Martinique, Guadeloupe et Saint-Domingue sont des mots évocateurs pour les personnes Noires. Au delà du pays, de la zone géographique, il s¹agit de l¹Histoire, de la Culture de l¹esclavagisme, de la Déportation, de la traiteŠ

Ces familles ont été indemnisées, pourquoi, donc faudrait-il payer une seconde fois ce qui reviendrait de droit et de fait à l¹Etat ? Cette question revient régulièrement au cours de la journée. Ces personnes invisibles et non-visibles font, de nouveau, de l¹argent sur les corps, les cadavres et la mémoire de l¹esclave ! Tout s¹emmêle et s¹entremêle, des cales aux plantations, reviennent en mémoire les images et la douleur ! Chacun défend son opinion, l¹opprimé s¹oppose à l¹acheteur. Le principal protagoniste, le vendeur reste absent, il s¹est exclu du débat.

L¹Etat va exercer son droit de préemption.
Cette nouvelle est reçue avec un certain enthousiasme, elle rassure car elle protége les documents de mains inconnues, elle inscrit les documents dans la Mémoire collective, les introduit dans le souvenir général.

Une seconde nouvelle est annoncée. Un avocat, Maître Philippe Missamou, dépêché par le Collectif des filles et des fils d¹Africains déportés et diverses associations a introduit une procédure en référé au tribunal de Lyon aux fins d¹obtenir du juge un classement en action inaliénable. La procédure est acceptée, il obtient une audience pour le Vendredi à 11h00.

La vente est fragilisée, elle peut ne pas avoir lieu, et le Commissaire-Priseur est dans l¹obligation de négocier. Les parties s¹entendent sur la continuité de la vente puisque les lots concernant cette procédure sont moins de cinquante. Pour l¹occasion, les parties se sont entendues sur un choix de lots à soustraire de la vente avec les représentants des associations. Cette décision n¹a pu être appliquée.

Monsieur le Commissaire-Priseur Chenu n¹a point trouvé l¹interlocuteur cité par Maître Michel Missamou. A défaut, Monsieur le Commissaire-Priseur a effectué la soustraction des lots sans choix contradictoire par ce geste il fragilise la procédure à son bénéfice. En effet, les lots les plus intéressants seront préemptés par l¹Etat et Monsieur le Commissaire-Priseur assure tant son profit qu¹il vide la procédure de son intérêt !

Aussi, par son initiative non soumise à la contradiction, Monsieur le Commissaire-Priseur admet qu¹il y a des lots directement liés à la traite et au commerce des Noirs.

A cela s¹ajoute le fait, que dans la Gazette de l¹Hôtel Drouot, l¹annonce faite sur la vente aux enchères de Lyon pour le 12/01/05 ne dit mot de manière directe ou indirecte sur des documents liés à la traite ou à l¹esclavage. Par ailleurs, cette annonce ne dit mot sur un thème qui serait lié au commerce maritime ! A cela s¹ajoute le décalage du contenu de l¹information de ce quotidien du soir qui parle de  » 500 lettres et manuscrits, provenant d¹archives familiales « . Qu¹il n¹en déplaise à Monsieur le Commissaire-Priseur Chenu, le quotidien du soir et la presse l¹ont pris en flagrant délit de mensonge.

Peu importe l¹Etat a préempté la majorité des lots dénoncés, incriminés et liés à la traite et à l¹esclavage comme le lot 334. Sur ce point Monsieur le Commissaire-Priseur Chenu fût clair et attentionné. Six lots furent sortis de la vente comme les lots 281 et 347.

Malaise.
Intervient une question, quelle serait la source de l¹information qui permet au quotidien du soir de faire son article. Une réponse serait les services du Commissaire-Priseur, notamment ses services en ligne. En furent victimes, l¹expert Monsieur Agiasse et certaines personnes de l¹équipe de la salle des ventes qui reçurent des menaces de mort. La folie des uns entraînant la folie des autresŠ

Face à ce comportement, il devient urgent de dénoncer les évènements ayant traits à la traite, à l¹esclavageŠ aux crimes contre l¹Humanité. C¹est le sens que le collectif des filles et des fils d¹Africains déportés donne à la procédure en référé dont l¹audience est le à Lyon le 14/01/05.

Cette procédure, si Maître Philippe Missamou obtient gain de cause devant la Justice, permettra de mettre fin à ces évènements qui se passent à Bordeaux ou à Nantes, dont une vente sur le sujet de la traite, des négriers et de l¹esclavage est traditionnelle et annuelle.

A l¹issue de cette procédure, Maître Philippe Missamou souhaite que l¹ensemble des divers documents sur la traite et l¹esclavage soient classés monuments historiques et que les familles détentrices de ces documents puissent les remettre à ce titre à l¹Etat. Il rappelle que ces familles ont fait et établie des fortunes sur la condition inhumaine et misérable de personne enchaînées à un code Noir.

Aussi tel le prétend l¹adage, bien mal acquis ne profite pas, il ne serait que justice la remise de ces documents à l¹Etat à titre gracieux et ces familles ont, aujourd¹hui, un devoir envers l¹Humanité.

Dans un second temps, peut-être, un impôt exceptionnel en direction de ces familles permettra-il de faire un centre de documentation nationale sur la traite, l¹esclavage et la colonisation.

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La Rédaction

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