[#65ansdesindependances] Le travail forcé dans les colonies françaises – Abolition en 1946 grâce à la loi Houphouët-Boigny

[#65ansdesindependances]  Le travail forcé dans les colonies françaises – Abolition en 1946 grâce à la loi Houphouët-Boigny
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Durant l’ère coloniale, du 19e siècle à la moitié du 20e siècle, la France a imposé dans ses colonies un système de travail forcé aux conséquences humaines, sociales et économiques profondes. Ce dispositif, officiellement justifié par des objectifs de développement et de civilisation, a en réalité servi les intérêts de l’administration coloniale et des entreprises françaises, au détriment des populations locales.

Il prenait plusieurs formes. L’une des plus répandues était la « Prestation » : les hommes adultes étaient contraints de fournir plusieurs jours de travail gratuit par an pour la construction de routes, de voies ferrées ou de bâtiments administratifs. Ce système était encadré par le « Code de l’indigénat » (un ensemble de lois discriminatoires qui privait les colonisés de droits fondamentaux et les exposait à des sanctions arbitraires).

En Afrique-Équatoriale française, la construction du chemin de fer Congo-Océan, achevée en 1934, a coûté la vie à plus de 15 000 travailleurs forcés dans des conditions inhumaines. Dans les plantations (de caoutchouc en Indochine, de coton ou d’arachide en Afrique), le travail était exténuant, mal rémunéré, et souvent imposé par la contrainte physique. Le recrutement de main-d’œuvre pour ces tâches était parfois organisé par des chefs locaux sous pression, ou par des administrateurs coloniaux eux-mêmes. Les déplacements forcés, la séparation des familles, et les violences accompagnaient fréquemment ces pratiques.

Pendant les deux guerres mondiales, la France a également réquisitionné des dizaines de milliers de travailleurs coloniaux pour soutenir l’effort industriel et logistique métropolitain. Ce recrutement était rarement volontaire et s’apparentait à une nouvelle forme de travail forcé.

Ces pratiques ont suscité une opposition croissante, tant dans les colonies que dans la métropole. Des figures comme Aimé Césaire, dans son Discours sur le colonialisme, ont dénoncé la brutalité et l’hypocrisie du système. Ce n’est qu’en 1946, grâce à la loi Houphouët-Boigny, que le travail forcé a été officiellement aboli dans les colonies françaises.

Le travail forcé colonial a laissé une trace durable dans les mémoires collectives et constitue un élément central du débat postcolonial contemporain sur la justice, la mémoire et la réparation.

[65 Years of Independence] – Forced Labor in the French Colonies – Abolished in 1946 thanks to the Houphouët-Boigny Law

During the colonial era, from the 19th century to the mid-20th century, France imposed a system of forced labor in its colonies that had deep human, social, and economic consequences. This system, officially justified by goals of development and « civilization, » in reality served the interests of the colonial administration and French companies, at the expense of local populations.

Forced labor took several forms. One of the most widespread was the “Prestation”: adult men were compelled to perform several days of unpaid labor each year to build roads, railways, or administrative buildings. This system was enforced through the « Code de l’indigénat », a set of discriminatory laws that stripped colonized people of basic rights and subjected them to arbitrary punishment.

In French Equatorial Africa, the construction of the Congo-Ocean railway, completed in 1934, cost the lives of over 15,000 forced laborers, who worked in inhumane conditions. In plantations (rubber in Indochina, cotton or peanuts in Africa), labor was exhausting, poorly paid, and often imposed through physical coercion. The recruitment of laborers for such tasks was sometimes carried out by local chiefs under pressure or directly by colonial administrators. Forced displacements, the separation of families, and violence were common.

During both World Wars, France also requisitioned tens of thousands of colonial workers to support its industrial and logistical needs in the metropole. This recruitment was rarely voluntary and often amounted to another form of forced labor.

These practices sparked growing opposition both in the colonies and in France. Figures such as Aimé Césaire, in his Discourse on Colonialism, denounced the brutality and hypocrisy of the system. It was only in 1946, thanks to the Houphouët-Boigny Law, that forced labor was officially abolished in the French colonies.

Colonial forced labor has left a lasting impact on collective memory and remains a central issue in contemporary postcolonial debates on justice, remembrance, and reparations.

Fatoumata Bintou Sangaré

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